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Chronique du livre de Lydie Salvayre, La méthode Mila
Le bonheur de lire un livre réjouissant, bien écrit, drôle, intelligent, salutaire, etc.!
Dans La méthode Mila, Lydie Salvayre nous conte l’histoire d’un philosophe amateur et plutôt misanthrope, réfugié dans un trou perdu (Moissy, qui pourrait aisément être inclus dans La philosophie antique de Pierre Vesperini) et, qui, sans y réfléchir plus que ça, recueille sa vieille mère, impotente et grabataire. La défection du corps d’icelle et, concomitamment, de son esprit conduit le narrateur, au demeurant pas plus barbare que vous et moi, à la haïr, à la persécuter, comme il convient, hélas, quand on est confronté, physiquement, quotidiennement à la mort, sauvage et insupportable. Mais alors, arrive, dans le paysage a priori paisible de Moissy, Mila, Madame Mila, une pittoresque voyante arabo-andalouse, irrationnelle par profession, baroque par vocation et humaine par délectation.
Une « musicienne de la vérité » comme aurait dit Nietzsche et comme dit carrément Lydie Salvayre (page 172).
Alors tout bascule : l’amour, cette vieille chose qu’on croyait maîtrisée revient, doucement d’abord, puis à ciel ouvert et la vie reprend des couleurs. Celui qui en pâtit, c’est Descartes, oui, le vrai Descartes, Monsieur Cogito, Le Descartes de la pensée française, de la raison raisonnante, celui qui situe l’âme dans la glande pinéale et repasse ses chemises sur la tabula rasa, Descartes le douteur, le mécanicien du corps, le méfiant des apparences, l’hostile aux sentiment. Et à son Discours de la méthode, Lydie Salvayre oppose, férocement, sa méthode Mila, bordélique, fantasque, généreuse et poétique. C’est bien fait pour lui. Et c’est aussi bien fait pour nous, un livre drôle et savant, érudit et tendre, violent, séducteur.