• CHASSE AU BONHEUR EN ITALIE AVEC STENDHAL

     

    Douze ans plus tard, les Promenades dans Rome apparaissent comme un  complément, écho de six séjours romains, qui se donne aussi comme un journal couvrant deux ans, d’août 1827 à avril 1828, (« Chaque article est le résultat d’une promenade, il fut écrit sur les lieux ou le soir en rentrant » — en fait le livre a été écrit non pas à Rome, mais à Paris), mais conçu de façon plus méthodique, avec prétention à servir de guide, dont le lecteur pourrait emporter les fascicules « dans sa poche en courant le matin dans Rome ».

    Et comme nos guides modernes, Stendhal établit un programme drastique : « En cinq ou six matinées, votre cocher vous fera faire les douze courses que je vais indiquer. » Programme à peu près suivi, qui couvre la Rome antique, chrétienne et moderne, mais avec une telle liberté digressive, un tel appétit d’admiration, un tel dilettantisme que son livre prend place parmi « les meilleurs voyages en Italie » dont il dresse lui-même la liste : Forsyth, de Brosses, Misson, Duclos, Lalande (ce dernier étant celui qu’il a le plus mis à contribution).

       Voilà donc les deux textes sur lesquels intervient la création de l’éditeur pour restituer l’Italie de Stendhal : à défaut de les sonoriser des voix qui s’élevaient à la Scala, donner à voir le décor de cette permanente représentation dont la scène s’étend à toute l’Italie (hormis Venise). Le seul moyen était de faire appel aux peintres contemporains de l’auteur, connus ou oubliés, beaucoup d’anonymes, italiens et étrangers accomplissant le Grand Tour, tous apparentés dans une approche romantique du motif.

    Cela supposait un travail énorme. Quelques chiffres le disent : en trois ans 6000 œuvres consultées, 2000 recueillies, 361 retenues, provenant de 123 peintres (dont 51 italiens et 40 français), une trentaine d’oeuvres étant tirées de collections privées. Le résultat est étonnant : cette immense galerie reconstitue une Italie dont notre vision actuelle (je pense par exemple au tourisme de masse) risque de nous couper de l’enthousiasme stendhalien.

    En voyant ici la ville, ses monuments, ses places, ses rues, ses théâtres, ses salons, ses cafés, en voyant la campagne, ses ruines, ses tombeaux, ses villas, sa bucolique, on comprend mieux l’élection que Stendhal a faite de ce pays.