• Avis sur : Le Montespan par Jean Teulé

     

    Autant l’avouer tout de suite : Avec les essais economico-politico-sociologiques, le roman historique est mon genre préféré en matière de littérature. Il fleure généralement bon l’aventure et le romanesque, et rend aux cadavres oubliés de l’Histoire leur dimension humaine, tragi-comique, peuplé de sentiments envolés et de rancunes inavouées, de traits d’esprits et de sourdes vengeances. Faire revivre les morts en leur redonnant une identité et tout ce qui va avec, même à moitié imaginé, voilà qui me plait.

    Le Montespan“, ressuscité sous la plume de Jean Teulé, avait donc toutes les chances de me plaire. Et ce fut le cas, même si je ne m’attendais ni à cette verve ni finalement, à ce scénario enlevé et gouailleur.

    Il fallait bien ça, néanmoins, pour faire revivre sous les traits d’un homme passé sous silence l’incroyable histoire du mari de la Montespan, celui qui ne s’était jamais remis de voir sa femme devenir la favorite de Louis XIV alors que d’autres auraient été ravis et honorés que leur épouse le soit par le Roi…

    Louis Henri de Pardaillan, marquis de MontespanMais Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan, n’a que faire des avantages dont sa maison pourrait être couverte : Eperdument amoureux d’Athénaïs, née Françoise de Rochechouart de Mortemart, il fera milles bêtises et milles provocations au souverain qui n’appréciera que peu qu’on vienne lui voler dans les plumes.

    La tristesse de ce mari intransigeant et abandonné de tous prend aux tripes, l’écriture de Jean Teulé étant sans compassion et sans faux-semblant ; Elle donne à ce récit toute la dimension vivante et humaine d’une existence qui sombre dans la solitude la plus totale et le dénuement douloureux de l’âme. Entre les courtisans fardés et sales, la foule moutonnière et cynique, un roi ridicule et narcissique et une Montespan oublieuse et cruelle, les piques et les chansons que reçoit en plein cœur le marquis nous atteignent aussi, et la galerie de portraits peinte au vitriol par un écrivain dont on ressent l’âme historienne et l’envie romanesque nous amuse autant qu’elle nous fait réfléchir sur tous les travers intemporelles de l’âme humaine.


    Les parties de jambes en l’air délurées façon 18ème qu’affectionne le marquis pour prouver à Athénaïs son amour ne suffiront pas ; Ce cœur blessé qui aurait plus été à sa place dans l’époque romantique des poètes maudits du 19ème, avec ses bravades cornues et ses tentatives d’enlèvement avortées…

    Jean Teulé signe là un ouvrage qui ne se prend pas trop au sérieux mais redore le blason de celui que l’on a trop souvent oublié au profit de la favorite, et nous le rend vivant, sympathique et particulièrement contemporain dans ses sentiments. Pour cela, que tous les écrivains qui s’y essayent sont loin de réussir, il mérite un coup de chapeau… Sans cornes, cette fois.

     

    »Le Montespan“, Jean Teulé, 352 p., 20 € aux éditions Julliard.